Netflix, Apple Watch, 10 milliards d’euros. Trois mots-clés par lesquels il est tentant de résumer la saison qui s’achève ; trois mots-clés qui pourraient bien s’imposer à nouveau dans un an, tant les enjeux qu’ils illustrent restent aujourd’hui prégnants.
Premier par apparition à l’écran, c’est fort du catalogue le plus puissant de son marché que Netflix soufflera le 15 septembre la 1ère bougie de son service français : à fin mai, le service de SVoD dirigé par Reed Hastings alignait près de 10 000 programmes (20% de plus que Canal Play), dont 1140 films, 4230 épisodes de séries TV, 4600 épisodes de dessins animés, 250 documentaires… et il se situerait aujourd’hui aux alentours des 600 000 abonnés. S’il est prématuré d’en conclure à sa réussite dans l’hexagone, Netflix peut d’ores et déjà se targuer d’y avoir fait bouger les lignes : le bruit médiatique qui a entouré son lancement a ajouté aux forces qui contribuent au développement de la consommation délinéarisée et à l’érosion de l’audience linéaire ; les fonctionnalités qu’il propose (la reprise de consommation d’un écran à l’autre par exemple) font d’ores et déjà figure de must have et ont été intégrées dans la nouvelle version de l’application MyTF1, comme par Canal+ dans sa box OTT le Cube S… Bien au-delà de la péripétie des Guignols de l’info, c’est avant tout dans les réflexions engagées par Vivendi sur la réponse à lui apporter qu’il faut très certainement voir l’origine des mouvements engagés ces derniers jours chez Canal+.
On peut encore relever que la nouvelle Présidente de France Télévisions Delphine Ernotte a d’ores et déjà annoncé son intention de « mettre les sites du groupe au standard du marché (en créant) une nouvelle plateforme numérique, basée sur un algorithme de recommandation (basé) sur le modèle de Netflix », et présumer que celui qui succédera à Nonce Paolini à la tête de TF1, au printemps 2016, aura forcément à cœur d’intégrer la nouvelle donne dans sa réflexion stratégique. Au final, il apparaît bien que le pavé Netflix est loin d’avoir fait sentir tous ses remous dans la mare audiovisuelle.
L’impact de l’Internet des Objets pourrait bien être plus massif encore : les 30 objets connectés par foyer que nous prédit GfK à l’horizon 2020 embarqueront la plupart des dimensions de la vie quotidienne, au foyer (smart home) comme à l’extérieur (wearables, voitures connectées, smart cities…). Et l’Apple Watch a pris l’allure de figure emblématique de cet envahissement. Par le retentissement qui a entouré son lancement (plus de 2500 mentions dans la presse numérique et les blogs français pendant la quinzaine qui a entouré le début de sa commercialisation le 24 avril, entre le 15 et le 30 du même mois, par exemple). Mais aussi parce qu’Apple a largement dépassé les frontières du marché de l’électronique grand public pour s’attaquer à celui de l’horlogerie de luxe avec son modèle à 18 000 $, contraignant les champions du secteur (Tag Heuer, Breitling, Alpina, Frédéric Constant…) à lancer leurs propres modèles de montre connectée. Après avoir livré la « guerre des écrans », les géants du numérique (Apple, Google, Samsung… et même Facebook) s’attachent à intégrer à leurs écosystèmes l’ensemble des objets connectés. Avec à la clé les revenus tirés de la vente de devices mais aussi, surtout ?, le gisement de la data et son exploitation.
10 000 000 000 d’euros, enfin, c’est le montant proposé par Patrick Drahi pour le rachat de Bouygues Télécom, et qu’a refusé Martin Bouygues, conduisant au maintien de 4 opérateurs sur le marché français. Entre Box Miami à 19,90 € par mois du côté du fixe et abonnements Free Mobile à 19, voire 2€ , les prix resteront donc, provisoirement au moins sous tension, Limitant la capacité des opérateurs à investir sur les services… et notamment les contenus ; réduisant les possibilités de reprise des embauches dans le secteur, après les destructions d’emplois intervenues depuis 2012 ; compliquant le financement des infrastructures à très haut débit fixe (FTTH) ou mobile (4G et bientôt 5G) ; et poussant à douter au final que ce jeu à quatre traduise un équilibre durable.
Mais parce que les fins de saison ouvrent aussi la voie à un oubli temporaire des enjeux les plus graves, ajoutons aux trois qui précèdent un quatrième mot-clé : celui de trêve estivale !
Philippe Bailly, Président de NPA Conseil