[Flash NPA #768] La Presse de Montréal : les risques de la totale gratuité

La formule est bien connue : « Un journal qui disparaît, c’est un peu de démocratie qui meurt ». A lire l’éditorial publié le 16 septembre par le patron du quotidien québécois La Presse, on est tenté de la tourner en forme de question : Un quotidien qui abandonne le support papier peut-il se bâtir un avenir sur les seuls réseaux numériques ?

« La Presse papier sera remplacée par La Presse+ du lundi au vendredi dès le 1er janvier », annonçait le 16 septembre Guy Crevier, l’édition papier n’étant maintenue que le samedi. Ce faisant, La Presse tire les conséquences du transfert d’audience qui s’est opérée au profit de sa version numérique – gratuite – La Presse+ : « Plus de 460 000 personnes la consultent désormais chaque semaine et l’ont intégrée à leur rituel  d’information. Trente mois après son lancement, La Presse+ est plus performante que La Presse papier après 131 ans d’existence. »

Derrière cette logique de vases communicants, on devine un double calcul :

  • Le maintien de la version papier le week-end doit agir comme un élément de présence à l’esprit du titre contribuant à préserver sa notoriété, en même temps qu’il conserve un espace pour les annonceurs privilégiant le support physique,
  • Sa suppression en semaine permet d’éliminer les coûts de fabrication et de distribution (avec, à la clé, la suppression de 158 postes) et de troquer une économie de coûts variables contre une économie de coûts fixes.

C’est un modèle proche que La Tribune a adopté en France depuis sa reprise par Jean-Christophe Tortora.

Mais son pendant n’apparaît pas sans risque : en même temps qu’elle abandonne sa version payante, La Presse renonce aussi à la part de revenus fixes que représentaient les abonnements. Et son financement par les seuls revenus publicitaires la placera, pour l’avenir, sous la dépendance étroite des grands carrefours d’audience et de ceux qui les gèrent (moteurs de recherche ou portails). Sans même parler du risque d’effritement de la relation avec des lecteurs fatalement plus volatiles quand la concurrence ne se trouve plus qu’à une portée de clics.

On en vient à regretter que La Presse n’ait pas suivi le modèle de transition vertueuse et programmée, préconisée ici et là il y a plusieurs mois déjà : la mise en place d’une formule associant à un abonnement de longue durée (2 ans ?) la fourniture d’une tablette permettant aux abonnés de se familiariser avec leurs nouvelles habitudes de consommation d’information sans que leur relation avec le titre se relâche pour autant.

Plus d’un éditeur français pourrait explorer une telle formule pour y trouver réponse à l’impératif de transformation numérique.

 

Philippe Bailly, Président de NPA Conseil


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Le sommaire du Flash #768

Tableau de bord
Audiences des access en septembre

Contenus & Services
Programmes Webnatifs : la TV française investit massivement YouTube

Usages & Audiences
Performances des programmes en cours et des programmes terminés
La presse TV continue sa mutation
BuzzFeed et The Financial Times : deux modèles innovants pour la presse

Marketing & Communication
« Tax on audience » : Facebook, Google & Apple mènent l’offensive sur les éditeurs de presse

Business Modèles & Monétisation
Étude de cas : Rabbit TV, le Molotov américain
ProSiebenSat.1 veut réinventer la chaîne musicale avec AMPYA

Lab : Techno, R&D
VR : Samsung & Oculus offrent de nouveaux débouchés pour les éditeurs de contenus

FOCUS
Édition : des nouveaux défis pour le Livre numérique aux États-Unis

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Le sommaire de la Lettre Juridique #20

Parlement
PJL numérique : lancement de la consultation publique

Gouvernement
Ouverture d’une consultation publique sur le rôle des plateformes

Analyse de la semaine
PJL Création : les dispositions relatives à l’audiovisuel et au numérique examinées en séance publique

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