Se faire reprendre le quart de ses cadeaux au moment de son 10e anniversaire. Le scénario a de quoi faire frémir, à l’évocation des cris du tout juste teenager en colère. C’est pourtant ce qu’impliquera le lancement des enchères sur la bande 700 programmé pour le 16 novembre, 10 ans 7 mois et 16 jours très précisément après l’allumage des premiers émetteurs de la TNT : 2 des 8 multiplex dont elle dispose actuellement lui seront en effet progressivement retirés à partir du mois d’avril 2016.
Par la magie des progrès de la compression numérique, cette échéance coïncidera aussi avec le passage de l’ensemble des chaînes à la HD. Tel est le sens des évolutions annoncées le 8 octobre par le CSA, au terme de l’appel à candidatures (re)lancé le 29 juillet, après que le droit de « priorité » instauré à leur bénéfice par la loi du 15 novembre 2013 ait fortement fléché ses décisions.
L’autre conséquence est de figer à son état actuel le nombre des chaînes nationales de la TNT, sauf nouveau saut technologique permettant de diffuser davantage de programmes à ressource équivalente et/ou restitution de sa licence par l’une des chaînes existante. Après que le CSA aura statué sur les demandes de passages en clair de LCI, Paris Première et Planète, d’une part, sur le rachat de Numéro 23 par NextradioTV (donc Altice), de l’autre, le PAHNF (Paysage Audiovisuel Hertzien Numérique Français) devrait donc d’ici fin 2015 se trouver durablement stabilisé. Dans ses acteurs, comme dans ses formats puisque les changements de ligne éditoriale représentent au même titre que la cession à un nouvel actionnaire des « modifications substantielles des données au vu desquelles l’autorisation avait été délivrée » soumises à l’autorisation du CSA.
Pour les acteurs du secteur – comme pour leurs actionnaires et ceux qui les jaugent, analystes financiers notamment – cette stabilisation n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. Elle leur rend de la visibilité sur l’évolution de leur environnement concurrentiel direct et leur laisse escompter de bénéficier du rebond espéré des investissements publicitaires, après une décennie de fragmentation des audiences et de fonte des recettes (près de -15% en euros constants entre 2005 et 2014). Elle conforte aussi leur statut de « marques référentes » accessibles d’un simple jeu de télécommande à 100% des Français, dans un environnement numérique qui voit chaque jour apparaître de nouvelles offres en OTT.
Est-il souhaitable pour autant de faire rimer stabilité et immobilisme ? Le 31 mars 2005, Youtube et Dailymotion avaient moins de deux mois ; en août 2015, 33,4 millions d’internautes ont regardé au moins une vidéo en ligne sur leur ordinateur et y ont chacun consacré une heure par semaine. Au 31 mars 2005, il faudra encore attendre près de 3 ans pour qu’apparaissent le premier service de catch up TV (Rewind TV, associant France Télévisions et Orange et proposé en exclusivité à l’époque aux abonnés du second) ; plus de 3 milliards de programmes ont été consommés par les Français en replay entre janvier et juillet 2014. Au 31 mars 2005, les smartphones sont encore dans les limbes (le 1er iPhone est lancé fin juin 2007) et les tablettes n’apparaitront qu’en 2010…
Les groupes audiovisuels se sont attachés, bien sûr, à prendre en compte ce nouvel environnement en développant avec MyTF1, 6Play, MyCanal ou encore Pluzz des écosystèmes multi-écrans complets. Impossible en revanche de faire évoluer les lignes éditoriales pour tenir compte des transformations de l’offre comme de la consommation. W9 et D17 doivent rester résolument musicales… même si Youtube, DailyMotion ou encore Vevo sont devenus des acteurs majeurs de la diffusion de vidéoclips, et indépendamment de la montée en puissance de Deezer, Spotify et des autres plateformes musicales ; HD1 est définitivement interdite de diffuser de l’information, des évènements sportifs ou du divertissement en vertu de la convention signée début 2012 ; Chérie 25 n’a pas la possibilité d’intégrer l’ambition d’offrir aux plus de 50 ans une alternative au ciblage de rigueur vers les « Femmes responsables d’achat de moins de 50 ans » proposée cet été par le projet Nostalgie HD (non retenu puisqu’aucun nouveau projet n’a pu trouver de place compte tenu du passage à la HD des chaînes existantes). De même qu’il serait même impossible à M6 et TF1 de réfléchir à la transformation d’une de leurs antennes en canal de téléachat, après que leur projet commun Ha26 a été écarté pour les mêmes raisons par le CSA.
Dix ans après son lancement, il n’apparaît pas déraisonnable d’envisager une adaptation de l’offre proposée aux Français par la TNT. Ces dernières années, certaines chaînes ont obtenu des ajustements – à la marge le plus souvent – de leurs conventions au travers de négociations de gré à gré avec le Conseil. Il est légitime que ce processus de « respiration » se poursuive. Peut-être l’heure est-elle venue au-delà d’une remise à plat plus globale. Le CSA y trouverait un beau point d’application de son ambition de régulateur des temps numérique.
Philippe Bailly, Président de NPA Conseil
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Le sommaire du Flash #770
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FOCUS
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Le sommaire de la Lettre Juridique #21
Parlement
Les nouveautés du rapport sur le droit et les libertés à l’âge du numérique
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Consultation sur la modification du régime publicitaire et de parrainage de Radio France
Analyse de la semaine
La Cour de Cassation reconnait l’atteinte à la vie privée dans une fiction inspirée de faits réels
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