La possibilité de réprimer les propos diffusés via un moyen de communication au public par voie électronique est expressément prévue par l’article 23 de la loi sur la liberté de la presse dans sa rédaction issue de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Les dispositions de l’article 29 de la loi sur la liberté de la presse réprimant l’injure et la diffamation publique sont donc applicables aux contenus diffusés via ces moyens de communication. La condition réside dans la publicité des propos, qui s’apprécie, dans le cas des réseaux sociaux, selon l’accessibilité que leur auteur a voulu leur donner. Il convient donc de distinguer selon que les messages envoyés sont accessibles à tous, ou si le titulaire du compte a entendu en restreindre la lecture en gardant privé l’accès à son compte. S’agissant de la rediffusion de messages illicites, l’article 29 prévoit expressément que la simple reproduction d’une imputation ou allégation diffamatoire constitue le délit. La publication par voie de reproduction, ou de rediffusion, est donc punissable au même titre que la publication ou la diffusion directe.
Dans une réponse à une question du sénateur LR M. Louis Pinton, le ministère de la justice s’est prononcé sur une question contemporaine et jusqu’ici très peu traitée.
Cette dernière concernait Twitter, et plus précisément la fonction de « retweet » qui permet de relayer un message (un tweet) auprès des personnes suivant notre activité sur ce réseau social : « l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui condamne la reproduction de certains propos, s’applique-t-elle aux nouveaux moyens de communication, et quelle est la législation pénale relative à la rediffusion de messages illicites ? » Autrement dit, est-ce que retweeter un message est la même chose que de l’émettre ?
D’après le garde des sceaux (voir encadré), retweeter un tweet diffamatoire est donc punissable des mêmes peines qu’en cas de diffamation publique (12 000 euros d’amende). Même si les autres types de messages illicites qui peuvent exister sur Internet (incitation à la haine, homophobie, etc.) ne sont pas expressément visés, le raisonnement s’applique également. Le tout à condition que le compte soit public (seuls les comptes publics peuvent faire l’objet d’un retweet, toutefois de nombreuses personnes copient collent des tweets en indiquant la mention « RT »).
Un éclairage très intéressant à l’heure où les cas sont nombreux mais où les tribunaux n’ont pas encore eu à se prononcer sur une telle question. Une occasion fût manquer en 2014 lorsque le tribunal correctionnel de Rouen avait été saisi d’un retweet diffamant envers la sénatrice Catherine Morin-Desailly. Toutefois, le tribunal ne s’était pas prononcé au fond en raison de vices de procédure.
C’est une caractéristique inhérente à Twitter qui est ici en cause, un tweet pouvant se répandre comme une traînée de poudre, tissant une gigantesque toile d’araignée diffusant en tous sens une information. C’est pour cette raison que Twitter mais aussi notamment Facebook jouent un rôle majeur lors de grands événements.
Se pose néanmoins la question du retweet qui ne vise pas à approuver mais dénoncer des propos, dès lors que, a priori, le texte s’applique aussi dans une telle hypothèse. Faire valoir sa bonne foi sera difficile dès lors que cette exception suppose des conditions difficilement applicables à la brièveté d’un tweet[1].
______________________
[1] La preuve de la bonne foi est soumise à la réunion de quatre éléments destinés à renverser la présomption simple d’intention : la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l’expression, le sérieux ou la qualité de l’enquête réalisée.