Le 15 février dernier, les actionnaires de Time Warner ont approuvé à 78% des actions représentées le projet de fusion avec AT&T pour un montant de 85,4 milliards de dollars (107,5 dollars par action, soit 108,7 milliards de dollars dette comprise, en cash et en titres). L’approbation était attendue mais représente une avancée décisive en attendant les réponses des autorités de la concurrence américaine (Securities and Exchange Commission, Federal Trade Commission et Justice Department). Le PDG de Time Warner, Jeff Bewkes s’en est félicité et se déclare désormais confiant de pouvoir « conclure la transaction avant la fin de l’année 2017 ». Si tel est le cas, les actionnaires de Time Warner détiendront entre 14,4 % et 15,7 % de l’opérateur AT&T.
Pourtant, le feu vert du gouvernement pourrait être difficile à obtenir. Le président Donald Trump a exprimé à plusieurs reprises son opposition à la fusion lors de la campagne présidentielle. Il avait même promis de rejeter l’opération au motif qu’elle entraînerait « une trop forte concentration du pouvoir ». Depuis son élection, plusieurs commentateurs soulignent que l’hostilité de Donald Trump serait renforcée par les prises de positions critiques de CNN (groupe Time Warner) à son égard, une chaîne nommément désignée par le président comme à l’origine de plusieurs « Fake News ». Outre le président, de nombreux législateurs ont également fait preuve de leur scepticisme. C’est le sénateur démocrate du Minnesota Al Franken qui a pris la tête des opposants et ne cesse de mettre en garde contre une fusion qui – craint-il – pourrait se traduire par une distorsion de concurrence au détriment des autres opérateurs à commencer par Comcast qui risqueraient de ne plus avoir accès aux différents contenus de Time Warner.
Les dirigeants de Time Warner et AT&T ont profité de l’approbation de l’opération par les actionnaires pour répondre aux préoccupations des législateurs. La réponse tient dans une lettre ouverte de sept pages rendue publique vendredi 17 février, signée pour AT&T par le vice-président exécutif Timothy McKone et pour Time Warner par le premier vice-président Steve Vest. Pour les deux groupes les craintes sont infondées car « limiter la distribution des contenus de Time Warner reviendrait non seulement à sacrifier ses revenus, mais conduirait également à détériorer la réputation de Time Warner et à dégrader ses relations avec le reste de l’industrie du divertissement ». Au contraire, le rapprochement entre les deux groupes va susciter de nouvelles innovations dans la diffusion des contenus et permettre d’accroître la concurrence. Parmi les innovations sont citées « des niveaux plus élevés de personnalisation et d’interactivité » ainsi que « des publicités plus pertinentes pour financer les services vidéo ».
Mais l’un des principaux points d’achoppement reste à lever. AT&T et Time Warner mettent en effet en avant les opportunités offertes par un rapprochement pour proposer des nouveaux bouquets vidéo pour les services de streaming OTT commercialisés sous la marque DirecTV. Or, à l’instar d’autres opérateurs engagés dans une stratégie similaire, AT&T est sous le feu des critiques des défenseurs de la neutralité du net qui dénoncent les pratiques commerciales dites de « zero rating », consistant à appliquer un prix nul au trafic de données associé à l’utilisation des services propriétaires. La FCC avait pris position l’an dernier contre les pratiques d’AT&T mais le nouveau président de la Commission Ajit Pai, nommé par Donald Trump a décidé de clôturer l’enquête sur les pratiques de l’opérateur et s’est même publiquement prononcé en faveur du « zero rating », « très populaire parmi les consommateurs, en particulier les américains dont les revenus sont les plus faibles ». Un revirement qui va donc dans le sens d’AT&T et Time Warner même si les deux groupes ont structuré leur rapprochement de telle sorte qu’ils n’aient pas besoin d’obtenir un accord de la FCC.