Saisi sur la constitutionnalité du 3° de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, le Conseil constitutionnel a déclaré le 4 août dernier que l’application du régime de licence légale aux services de radio sur internet était effectivement conforme à la Constitution. Il relève que ces dispositions sont mues par un objectif d’intérêt général, qu’elles ne portent qu’une atteinte limitée aux prérogatives des titulaires de droits voisins, et qu’elles leur assure une rémunération équitable pour écarter les griefs des sociétés représentant les intérêts des producteurs de phonogrammes français.
Le Conseil constitutionnel a été saisi 23 mai 2017 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société civile des producteurs phonographiques et la Société civile des producteurs de phonogrammes en France portant sur le 3° de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, qui étend l’application du régime de licence légale aux services de radio sur internet.
Les dispositions contestées étaient critiquées comme portant atteinte i) au droit de propriété intellectuelle des artistes-interprètes et des producteurs (article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme : droit de propriété), en les privant de la possibilité de s’opposer à la diffusion de leurs phonogrammes sur une radio par internet, et ii) à leur liberté d’entreprendre et à leur liberté contractuelle (article 2 de la Déclaration de 1789), en les privant de la possibilité de bénéficier d’une rémunération définie par voie conventionnelle.
Concernant le grief soulevé au titre du droit de propriété, le Conseil constitutionnel juge que l’atteinte portée au droit de propriété intellectuelle des artistes-interprètes est mesurée, dans la mesure où leur droit moral reste inchangé et seuls certains modes de communication au public de phonogrammes, dont les artistes-interprètes et producteurs ont déjà accepté la commercialisation, sont concernés par l’atteinte. Il en déduit que les dispositions contestées n’entraînent pas de violation du droit de propriété au sens de la Déclaration de 1789 et écarte le grief.
Sur la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle, le Conseil relève d’abord qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu faciliter l’accès des services de radio par internet aux catalogues des producteurs de phonogrammes et ainsi favoriser la diversification de l’offre culturelle proposée au public. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général.
Il note ensuite que l’extension du régime de licence légale opérée par la loi du 7 juillet 2016 demeure limitée : seules les radios sur internet non interactives sont concernées. Les dispositions contestées ne limitent donc les prérogatives des titulaires de droits voisins qu’à l’égard de services dont les modalités d’offre et de diffusion sont comparables à celles de la radiodiffusion hertzienne.
D’autre part, le Conseil constitutionnel a tenu compte de ce que la mise en œuvre des dispositions contestées donne lieu à une rémunération des titulaires de droits voisins, versée par les utilisateurs de phonogrammes – en particulier les webradios – en fonction de leurs recettes : le barème et les modalités de versement de cette rémunération sont établis par des accords spécifiques à chaque branche d’activité. Le Conseil en conclut qu’une rémunération équitable est assurée aux titulaires de droits voisins au titre de l’exploitation des phonogrammes. Il en conclut que les dispositions contestées ne portent pas atteinte à la liberté contractuelle des requérants.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil constitutionnel a écarté les griefs adressés aux dispositions contestées. Il a donc déclaré le premier alinéa et la seconde phrase du second alinéa du 3° de l’article L. 214-1 du CPI conformes à la Constitution.