La Bulgarie précise ses propositions pour la directive « droit d’auteur »

La présidence bulgare du Conseil de l’Union européenne a publié hier ses nouvelles propositions pour les articles 11 et 13 du projet de directive relative au droit d’auteur dans le marché unique numérique. Elle apporte quelques modifications mineures à ses propositions relatives au droit voisin des éditeurs de presse (article 11) et ainsi que sur les obligations et la responsabilité des plateformes de partage de contenus protégés (article 13). Elle soumet aux délégations deux rédactions de l’article 13, l’une clarifiant le régime de responsabilité de ces fournisseurs de services au regard des actes de communication d’œuvres au public, et l’autre imposant simplement à ces fournisseurs des obligations quant à la protection desdites œuvres. Celles-ci devraient faire l’objet de vifs débats à l’occasion de la prochaine réunion en COREPER au Conseil, en début de semaine prochaine.

 

Centrer le droit voisin sur les utilisations lucratives des publications de presse

Pour rappel, la présidence bulgare suggérait dans sa première proposition de réduire le champ du droit voisin des éditeurs de presse, en en excluant les utilisations personnelles à but non lucratif, ainsi que les utilisations d’extraits très courts. Elle souhaitait de plus réduire la durée du droit, initialement fixée à 20 ans.

Dans sa nouvelle version, la proposition de la Bulgarie simplifie les références à la finalité lucrative en circonscrivant l’application du droit voisin aux seuls « fournisseurs de services ». Elle maintient les exclusions des « très courts extraits », et exclut également les « liens hypertextes lorsqu’ils ne constituent pas des communications au public ».

La présidence juge enfin que, si la majorité des Etats membres est d’accord pour réduire la durée du droit, les désaccords sur la durée qu’il faudrait lui substituer justifient le report de l’examen de cette question à une date ultérieure.

 

Partage de la valeur : la bonne et la mauvaise façon de faire une réforme

Les propositions de la Bulgarie concernant l’article 13 sont intéressantes et relativement surprenantes.

La présidence propose deux solutions possibles pour modifier la proposition de directive ; si les deux solutions conduisent à des obligations factuellement identiques, la façon de procéder pour la mise en place desdites obligations varie.

La première option vise à préciser quels sont les services visés par l’article 13 de la directive, en introduisant une nouvelle définition pour les « fournisseurs de services de partage de contenus en ligne ». Ces services seraient ceux dont « le ou les buts principaux sont de stocker et donner au public accès à un nombre significatif d’œuvres (…) mises en ligne par les utilisateurs que le service organise dans le but de retirer un profit de leur utilisation ».

Cette clarification effectuée, la Bulgarie propose de préciser dans quels cas ces fournisseurs de services effectuent des actes de communication au public. Ils effectueraient un tel acte lorsqu’ils « jouent un rôle indispensable et interviennent en pleine connaissance des conséquences de leurs actions pour donner au public accès à des œuvres (…) mises en ligne par les utilisateurs.

Enfin, la présidence renoue ces notions redéfinies avec le régime de responsabilité limitée des hébergeurs, tel que défini dans la directive e-commerce. La proposition prévoit ainsi que ces acteurs perdent le bénéfice de ce régime de responsabilité limitée s’ils ne prennent pas des mesures pour retirer et/ou empêcher la disponibilité d’œuvres protégées identifiées par les ayants-droit.

Cette solution a pour mérite de s’appuyer sur des notions de droit existantes, pour créer un régime de responsabilité spécifique pour les services de partage de contenus en ligne.

La seconde solution de la présidence bulgare est de créer, pour les « services de la société de l’information qui stockent et donnent accès à un nombre significatif d’œuvres (…) mises en ligne par leurs utilisateurs » une obligation de prendre des mesures pour respecter les accords passés avec les ayants-droit de ces œuvres. En l’absence d’accord, ces services doivent prendre des mesures pour limiter la disponibilité d’œuvres protégées identifiées par les ayants-droit.

Cette proposition conduit ainsi aux mêmes résultats que la précédente, mais vient s’appliquer indépendamment de tous les autres principes déjà élaborés par les institutions de l’Union, et déjà soumis à une interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne. Plutôt que de clarifier les régimes juridiques en place, elle ne ferait qu’ajouter plus de complexité à l’univers juridique du droit d’auteur sur internet. Toutefois, cette organisation des nouvelles obligations des plateformes est plus proche structurellement de la proposition initiale de la Commission européenne.

La présidence bulgare signale d’ailleurs aux délégations qu’un retour à la version initiale proposée par la Commission européenne sur l’article est tout à fait envisageable, si les Etats membres ne parviennent pas à trouver un accord sur ses propositions.

>> Legal Insight n° 111