Par un décret n° 2017-373 du 21 mars 2017, le Ministère de la Culture a modifié le régime de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles applicables aux chaînes hertziennes et aux services de médias à la demande « afin de tenir compte de l’évolution des relations entre les éditeurs de services de télévision et les organisations représentant les producteurs audiovisuels ». Il permet notamment la mise en œuvre de l’accord signé entre TF1 et les syndicats de producteurs au mois de mai 2016, et vise généralement à accorder plus de souplesse aux éditeurs dans la gestion de leurs droits.
Le décret n° 2017-373, entré en vigueur le 22 mars dernier, modifie d’une part l’article 12 du décret du 2 juillet 2010 (définissant les dépenses contribuant à la production d’œuvres audiovisuelles européennes et EOF) pour tenir compte de « l’évolution de la pratique d’achats de droits par certains éditeurs de services dans le cadre de la mutualisation de la contribution à la production au sein d’un même groupe ». Ces dépenses, qui ne pouvaient auparavant être réalisées que par les éditeurs de services, peuvent désormais être réalisées également par des « centrales d’achats » (sociétés commerciales contrôlées par l’éditeur ou groupement d’intérêt économique ayant pour objet la réalisation de ces opérations).
Suivant ce même objectif, il complète le décret du 12 novembre 2010, qui encadre la contribution à la production audiovisuelle des services de médias à la demande (SMAD), en y introduisant la possibilité pour un groupe audiovisuel de globaliser la contribution de son service de média à la demande avec celle de ses services de télévision linéaire. Déjà possible, depuis le décret du 2 juillet 2010, pour les éditeurs ayant signé un accord professionnel en ce sens, cette globalisation entre SMAD d’un même groupe ou services linéaires et SMAD n’était pas envisagée dans le décret du 12 novembre 2010.
En vertu de ces accords professionnels, les groupes TF1 et France Télévisions appliquaient pour l’ensemble de leurs services (SMAD compris) un taux unique au chiffre d’affaires globalisé du groupe au titre de la contribution à la production audiovisuelle. Pour sa part, le groupe Lagardère a choisi d’appliquer un taux spécifique à chacune de ses chaînes, les différents taux de chaque chaîne s’additionnant pour composer le taux général de contribution du groupe.
Saisi pour avis par le Ministère de la Culture sur le projet de décret, le CSA avait posé la question du taux applicable aux SMAD contrôlés par des groupes audiovisuels. Considérant le fait que ces services ne signent pas de convention avec le Conseil, ce dernier avait précisé que ce serait le taux prévu par le décret du 12 novembre 2010 qui s’appliquerait, sans dérogation possible. Le Ministère a pris en compte la proposition du CSA d’ajouter que « le taux applicable aux SMAD est précisé dans les conventions et cahiers des charges des services de télévision ».
Le gouvernement modifie par ailleurs l’article 14 du décret du 2 juillet 2010, donnant la faculté au Conseil supérieur de l’audiovisuel de baisser la part indépendante de production consacrée aux œuvres patrimoniales (fiction, animation ou documentaire de création) prévue à l’article 15 de ce même décret, sans pouvoir descendre en dessous de 8 % du chiffre d’affaires annuel net de l’exercice précédent de l’éditeur. En contrepartie, les éditeurs prennent des engagements favorables au renforcement de l’indépendance de la production (étendre la durée de cession des droits, renforcer l’indépendance capitalistique de la société de production…). La mise en œuvre des accords professionnels signés entre éditeurs et organisations professionnelles est ainsi autorisée sur ce point.
Toujours en matière de production indépendante, le décret n° 2015-483 du 27 avril 2015 avait autorisé les éditeurs de services de télévision à détenir des parts de producteurs dans les œuvres audiovisuelles dont ils ont financé une part substantielle (70 % du financement du devis)[1], tout en les valorisant au titre de leur obligation de contribution à la production indépendante. L’article 2 du nouveau décret permet au CSA, dans les conventions des éditeurs, de réduire cette part jusqu’à 60 % du financement du devis pour un ou plusieurs genres d’œuvres. Dans son avis n° 2014-18 du 2 décembre 2014, le Conseil avait déjà relevé que le seuil de financement de 70 %, « élevé au regard des apports constatés aux plans de financement », ne bénéficierait qu’aux œuvres de fiction (dont les groupes historiques financent de l’ordre de 70 % du coût). L’abaissement du seuil et son application à tous les genres devrait permettre un nouvel intéressement à d’autres types de programmes pour tous les éditeurs de services en clair.
Les conventions entre éditeurs et CSA pourront également déduire de l’assiette de la contribution les recettes tenant à « l’exploitation des œuvres financées par l’éditeur ou provenant des transferts de droits de diffusion entre services de télévision ou de médias à le demande appartenant à un même groupe audiovisuel ». Ces montants correspondant à des « refacturations internes », tel que l’avait souligné le Conseil, leur exclusion de l’assiette semble logique.
Enfin, le nouveau décret assouplit les règles applicables à la diffusion d’œuvres inédites. Pour l’appréciation de l’obligation de diffusion de 120 heures d’œuvres européennes inédites en première partie de soirée, celles-ci pourront désormais démarrer entre 20h00 et 21h30. L’extension d’une demi-heure de la plage horaire vient en contrepartie d’une diminution de la possibilité d’y inclure des rediffusions, aujourd’hui permises jusqu’à 25 %.
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[1] Ces parts ne pourront leur être attribuées qu’à hauteur de la moitié de leurs investissements. Une chaîne qui finance 70% du devis d’une œuvre ne pourra détenir plus de 35% de parts « coproducteur », jusqu’à 50% pour un financement de 100%.